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Quelles recherches dans les lab schools ?

Dans les lab schools, la manière de mener des recherches et d’envisager les relations entre enseignants et chercheurs varie considérablement d’une école à l’autre. Leur point commun est de disposer d’une configuration idéale pour favoriser les échanges du fait de la proximité entre l’école et le laboratoire, mais les objets de recherche et la méthodologie sont propres à chaque école, tout comme le degré de participation et les rôles des différents acteurs sociaux dans le processus de la recherche.


Le modèle de l’essai contrôlé randomisé, classiquement reconnu comme particulièrement robuste, est présent, mais n’est pas le seul. Comme l’indique le schéma ci-dessous, il se situe à une extrémité d’un continuum proposé par Schlesinger-Devlin, Elicker et Anderson (2017) [1], qui va de recherches pilotés exclusivement par des universitaires (faculty-directed research) à des recherche pilotées exclusivement par les enseignants (teacher-directed research).


Les différents types de recherche sont présentés ci-dessous et illustrés par des exemple de travaux menés au Lab School Network, à la Lab School Paris ou en collaboration avec d'autres écoles.

Un exemple de recherche pilotée par des universitaires est un protocole de recherche expérimentale où il est seulement demandé aux enseignants de « fournir » les sujets en fonction de certaines caractéristiques (âge, sexe, etc.). En général, ni les enseignants, ni les élèves ne connaissent dans le détail la finalité de la recherche, les résultats ne leur sont pas toujours communiqués et ils ne sont pas forcément susceptibles de donner lieu à des applications dans les classes. Des élèves de la Lab School Paris ont ainsi pris part à une expérimentation de ce type en 2019, réalisée dans le cadre d'un master de neuropsychologie de l'université Paris Descartes, qui portait sur les liens éventuels entre les capacités de mémoire autobiographique et de théorie de l’esprit chez l’enfant d’âge scolaire.

Dans les recherches pilotées par des universitaires assistés par des enseignants, les enseignants peuvent être sollicités pour aider à sélectionner les participants, peuvent contribuer à la collecte de données ou aider à interpréter les résultats, mais leur rôle est subordonné par rapport aux chercheurs et ils n’ont pas réellement la possibilité de participer à la définition de la problématique ou du protocole. En 2019-2020, l'adaptation en français d'un questionnaire sur les compétences socio-émotionnelles des élèves a permis de mettre en place une telle recherche avec une étudiante en master de psychologie du développement de l'enfant et de l'adolescent de l'université de Paris. Cette relation entre chercheur et enseignants se présente également lorsque l'école constitue un terrain de recherche, par exemple, en sociologie ou en anthropologie. Une recherche ethnographique a ainsi été conduite en 2019-2020 par Nicolas Duval-Valachs dans le cadre d'un master de sociologie de l'EHESS sur les pratiques démocratiques délibératives en milieu scolaire. Enfin, l'environnement du LSN peut aussi favoriser ce type de recherche de manière plus générale, comme dans le cas d'une recherche théorique sur la notion d'ergonomie cognitive.

Au centre du continuum, on trouve une équipe collaborative d’enseignants et d’universitaires qui partagent la conceptualisation et la conduite du projet de recherche, élaborant conjointement la question de recherche, la méthode et le protocole, de façon à ce que la recherche bénéficie autant aux enseignants qu’aux chercheurs. Ce type de dispositif correspond à ce que le sociologue Philippe Lyet (2017) nomme « recherche conjointe » entre « chercheurs en continu » et « chercheurs occasionnels ». Une recherche-action participative sur la notion d'école inclusive a été conduite à la Lab School Paris en 2019-2019 dans le cadre d'un doctorat de University of North Carolina at Chappel Hill.

On peut parler de recherche pilotée par des enseignants assistés des universitaires dans le cas de recherches collaboratives, où les chercheurs se mettent au service d’une problématique soulevée par des enseignants, avec le double objectif de produire des connaissances nouvelles et d’apporter des solutions sur le terrain. En France, les recherches-actions peinent encore à conquérir leur légitimité – contrairement au Canada, par exemple. Elles constituent pour les chercheurs une opportunité de renouveler leurs conceptions de la science et de la recherche, mais s’accompagnent nécessairement d’une redéfinition de leur rôle dans les dispositifs d’enquête et impliquent de renoncer à « la posture surplombante du chercheur, habituelle aux sciences sociales institutionnalisées, qui ont longtemps pensé dévoiler les situations qu’elles décrivaient et rendre visibles aux acteurs eux-mêmes leur action et ses motifs » (Ingold, 2011) [3]. La première recherche-action de ce type à la Lab School Paris a été menée durant la première année d'exercice et a porté sur l'enseignement explicite des comportements. Un projet en collaboration avec la CARDIE de l'académie de Paris a également été mené dans une circonscription du 17e arrondissement et un autre projet est actuellement en cours avec une école maternelle en REP dans le 19e arrondissement de Paris : Aide-moi à apprendre avec mes émotions.

Dans les recherches pilotées par des enseignants – en anglais teacher action-research – les enseignants contrôlent seuls la conceptualisation et la planification du projet de recherche, de sa réalisation et de l’analyse des résultats. C’est peu répandu en France, mais relativement courant en Amérique du Nord, où les enseignants ont la possibilité de publier leurs travaux dans des revues à comité de lecture telles que le Journal of Teacher Action Research.


Chaque dispositif obéit à des contraintes et à des exigences propres, ainsi qu’à des stades différents de l’expérimentation : une « recherche conjointe » dont les résultats sont prometteurs pourrait ainsi servir de pilote pour donner lieu dans un second temps à un essai contrôlé randomisé afin d’en valider les résultats sur un échantillon plus large et plus représentatif de l’ensemble de la population. C’est l’une des raisons pour lesquelles certains chercheurs plaident pour la création de consortiums de lab schools afin de disposer d’échantillons plus importants et d’éviter la multiplication d’expérimentations à petite échelle redondantes (Horm, 2017) [4]. Mais la bonne volonté ne suffit pas et la constitution de tels consortiums se heurte à divers obstacles, en particulier la difficulté à concilier les obligations de toutes les parties impliquées – enseignants, chercheurs et pouvoirs publics – sur des aires géographiques avec des réglementations parfois différentes.


C’est ce qui explique que la majorité des travaux consiste aujourd’hui encore en projets pilotes menés sur un seul site, auprès d’un nombre limité de participants. Le réseau Educare, qui rassemble 21 écoles depuis 2016 constitue une exception à cet égard. Créer un tel consortium de lab schools en Europe est l’un des objectifs du projet européen Erasmus+ LabSchoolsEurope: Participatory Research for Democratic Education (2019-2022) dans lequel sont impliqués le Lab School Network et l’EHESS au côté d’institutions de quatre autres pays (Allemagne, Angleterre, Autriche, République Tchèque).


[1] Schlesinger-Devlin, E., Elicker, J., & Anderson, T. (2017). Research-teacher collaborations in applied research in a university laboratory school. In N. Barbour & B. A. McBride (Éds.), The future of child development laboratory schools : Applied developmental science in action (p. 39‑58). Routledge.

[2] Lyet, P. (2017). Les recherches conjointes entre « chercheurs en continu » et « chercheurs occasionnels ». In A. Gillet & D.-G. Tremblay (Éds.), Les Recherches partenariales et collaboratives (p. 259‑274). Presses universitaires de Rennes/Presses de l’Université du Québec.

[3] Ingold, A. (2011). Écrire la nature De l’histoire sociale à la question environnementale ? Annales. Histoire, Sciences Sociales, 66e année(1), 11‑29.

[4] Horm, D. M. (2017). Educare as a Model of Multisite, Collaborative, Policy-Relevant Research. In N. Barbour & B. A. McBride (Éds.), The Future of Child Development Lab Schools : Applied Developmental Science in Action. Routledge.

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