Les environnements scolaires sont des environnements sociaux où prennent place toutes sortes d’interactions et où se manifeste l’ensemble de la palette des émotions (Weiss, 2000). Les émotions affectent les apprentissages : la manière dont les savoirs sont appréhendés, les réactions face aux difficultés ou aux obstacles, l’anticipation des résultats de l’apprentissage (Crahay, 2010). Certaines émotions comme la peur ou l’anxiété sont connues pour empêcher ou limiter les apprentissages, car l’élève n’est plus en mesure de se concentrer sur la tâche proposée par l’enseignant. À l’inverse, le bien-être émotionnel est généralement favorable aux apprentissages et des émotions telles que la joie et la sérénité leur sont également bénéfiques. Une étude effectué au Québec au début des années 2010 auprès de 242 élèves de maternelle et de première année de primaire a ainsi montré que le fait d’aimer l’école, de se sentir bien entouré et de se sentir compétent en tant qu’élève constituent trois facteurs impactant le bien-être émotionnel des élèves et leurs capacités d’apprentissage (Pharand et Doucet, 2013).
Le rôle de l’école maternelle est d’autant plus crucial qu’il existe des corrélations entre le bien-être émotionnel des enfants à l’école maternelle et leur réussite scolaire future (Hauser-Cram, Durand, et Warfield, 2007). Toutefois, la relation entre émotions et apprentissages n’est pas univoque : les activités et exercices réalisés en classe sont également source d’émotions. Cette relation bidirectionnelle explique pourquoi il est si important pour les enseignants de veiller à ce que l’enfant se sente en confiance en classe et d’accompagner les enfants dans la découverte et la régulation de leurs émotions.
Le simple fait d’apprendre peut susciter de l’appréhension chez certains enfants, qui redoutent de se tromper ou d’échouer. Il est donc essentiel de veiller à présenter l’erreur comme une partie intégrante du processus d’apprentissage (Astolfi, 2014). Par ailleurs, la relation avec les enseignants joue un rôle clé : de nombreuses études sur la notion d’attachement montrent que la sécurité affective est fondamentale pour la construction de l’identité de l’enfant autant que pour sa réussite scolaire. Les enseignants sont les vecteurs de ce sentiment de sécurité à l’école et la qualité des interactions entre enseignants et élèves est déterminante, aussi bien en termes de réussite scolaire que de développement des compétences sociales et émotionnelles (Rimm-Kaufmann et Hamre, 2010).
À partir du début des années 2000, le chercheur américain Robert C. Pianta (université de Virginie) a mené d’importants travaux à partir de l’hypothèse que la relation entre élèves et enseignant constitue le fondement principal du développement et de l’apprentissage des élèves (voir, par exemple, Hamre et Pianta, 2001). Il a élaboré un dispositif – le Classroom Assessment Scoring System (CLASS) – qui permet de travailler sur cette relation en prenant en considération trois grands domaines : le soutien émotionnel, l’organisation de la classe et le soutien à l’apprentissage. Les recherches qui font appel au CLASS montrent qu’un environnement favorable aux apprentissages et à l’engagement des élèves présente notamment les caractéristiques suivantes : il est émotionnellement sécurisant ; il offre des expériences bien structurées et cohérentes ; il est riche du point de vue conceptuel et langagier. Un important travail d’adaptation de ce dispositif au contexte français a été réalisé à l’université de Grenoble par Philippe Dessus. Une introduction, des documents, des vidéos et de nombreuses références sont disponibles sur le site de l’INSPÉ de Grenoble.
Un enseignant n’est pas seulement la personne qui transmet des connaissances, mais avant tout une personne qui noue des liens pédagogiques et une relation affective avec ses élèves. De plus, les apprentissages ne sont pas seulement façonnés par les émotions des élèves mais aussi par le style de l’enseignant. Un enseignant heureux d’enseigner aura tendance à transmettre son enthousiasme et sa motivation aux enfants, ce qui aura un effet positif sur les apprentissages (Frenzel et al., 2009). Ce style se traduit notamment par le comportement non verbal de l’enseignant en classe. Les classes d’enseignants au « style expressif » interactif (immediate teachers) obtiennent de meilleurs résultats que celles d’enseignants au « style expressif » peu interactif. Le premier se caractérise par des contacts visuels fréquents avec les élèves, des gestes, des modulations vocales, l’humour et le sourire, tandis que le second est moins dynamique : usage de notes, distance induite par le fait de se tenir derrière un bureau, ton monotone, exemples abstraits (Okon, 2011).
Les émotions, dans leur relation bidirectionnelle avec les apprentissages, peuvent faciliter ou entraver ces derniers. Il est important de permettre aux enfants de comprendre ces processus pour qu’ils puissent être pleinement disponible pour s’approprier les savoirs. L’enseignant joue ici un rôle clé de facilitateur.
Les différents articles ont été rédigés par Pascale Haag (EHESS, BONHEURS, LSN) et Lisa Cognard (université Paris Diderot, CRI, LSN). Retrouvez les précédents épisodes : (1) Qu’est-ce qu’une émotion ? (2) Un peu d’histoire (3) Un fait social (4) Dans le corps et dans le cerveau (5) Développement de l’enfant
Un grand merci à Margot Le Lepvrier pour les illustrations
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