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Rythmes scolaires : que dit la recherche ?


La question des rythmes scolaires, avec l’ampleur qu’ont pris les débats depuis le début des années 2000, puis en 2008 (passage aux 4 jours), 2013 (retour aux 4 jours et demi) et à partir de 2017 (retour aux 4 jours pour plus de 80% des communes) est assez spécifique à la France.

De fait, dans les autres pays européens, elle semble tranchée : les élèves d’élémentaire fréquentent l’école 5 jours par semaine, et même 6 jours dans certains Länder allemands.




Comme le soulignent Antoine Prost, historien de l’éducation, et Claire Leconte, professeure émérite de psychologie, la situation française est doublement particulière, en ce que les élèves y subissent le temps d’enseignement le plus long concentré sur le plus faible nombre de jours d’école.





Sans que le facteur des rythmes scolaires puisse être le seul en cause, on peut toutefois se demander s’il ne jouerait pas un rôle dans les résultats des élèves français aux évaluations internationales des compétences : la toute récente étude Timss, parue début décembre 2020 portant sur les mathématiques et les sciences, indique que les élèves français obtiennent les résultats les plus faibles de toute l’Europe :




Source : Timss 2019


L’étude Pirls, consacrée aux compétences en lecture, aboutissait en 2017 aux mêmes conclusions, les élèves français ont les résultats les plus faibles d’Europe, si l’on excepte la Belgique francophone :





Des travaux de plus en plus nombreux (Rohrer & Taylor, 2006 ; Gerbier, 2011 ; Dehaene, 2018) soulignent l’importance pour la mémorisation de l’apprentissage distribué (réparti dans le temps) vs l’apprentissage massé (concentré dans le temps) et du sommeil, fondamental pour la consolidation des connaissances (Dehaene, 2015, pour une synthèse). Dans cette perspective, moins il y a de jours d’école, plus l’apprentissage est massé, et plus il y a de jours sans école, moins les périodes de sommeil intercalées entre les temps d’apprentissage sont nombreuses : le calendrier scolaire français semble donc particulièrement peu propice à des apprentissages efficaces.


Comme le soulignait Prost (2008), le choix des 4 jours permet aux adultes, parents et enseignants, de disposer de week-ends complets, et aux enseignants d’élémentaire de travailler seulement 4 jours par semaine ; les collectivités locales ont aussi moins de charges avec des équipements utilisés moins souvent. La « contrepartie » des longues et épuisantes journées d’école, identiques à 3 et 11 ans, est offerte sous forme de vacances intermédiaires de 15 jours, une organisation qui là encore n’existe nulle part ailleurs, mais est réputée bénéfique au tourisme. En tout état de cause, les enfants et les enseignants sont souvent épuisés à la fin des périodes de classe, et le système s’auto-entretient : des journées trop longues et trop concentrées nécessitent de fréquentes et prolongées périodes de vacances pour tenir, bien que cela semble préjudiciable à la qualité des apprentissages.


Mais que dit la recherche sur les rythmes scolaires, précisément ? La préconisation principale est l’étalement des apprentissages et le raccourcissement de la journée de classe : on imagine les implications sociétales qu’il y aurait à libérer les parents pour qu’ils récupèrent leurs enfants à 15h, ou les frais engagés pour concevoir des temps périscolaires de qualité entre 15h et 18h – une situation qui ne règlerait pas pour autant les trop longues durées passées en collectivité pour les jeunes enfants.

Le modèle qui a la faveur des chercheurs (Inserm, expertise collective, 2001 ; Suchaut, 2009 ; Leconte, 2014) a d’ailleurs longtemps prévalu en France : 4 jours et demi d’école, avec journée libre le mercredi et classe le samedi matin. Il permet à la fois de bénéficier d’une pause en milieu de semaine, et de limiter les ruptures de rythme délétères pour les enfants, le plus long temps sans école étant d’une journée et demie. Alternativement, lorsque la semaine de 4 jours était en vigueur localement, les petites vacances et les vacances d’été étaient raccourcies. On peut encore imaginer, comme c’est le cas dans beaucoup de pays, d’avoir les mêmes horaires 5 jours par semaine, par exemple 9h-15h, et de raccourcir les petites vacances pour compenser les heures ainsi libérées.

Tous ces aménagements ont le même objectif : augmenter le nombre total de jours d’école, sans augmenter, voire en diminuant le temps de la journée d’école.


En tout état de cause, comme le souligne Claire Leconte, « nos résultats sont très en défaveur de la semaine de 4 jours, milieu favorisé comme défavorisé ».



Bibliographie


Dehaene, S. (2018). Apprendre : les talents du cerveau, le défi des machines. Odile Jacob.

Dehaene, S. (2014-2015). Cours au Collège de France : Fondements cognitifs des apprentissages scolaires. https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/p8400556916311082_content.htm

Gerbier, E. (2011). Effet du type d’agencement temporel des répétitions d’une information sur la récupération explicite. Thèse de doctorat de psychologie, université Lyon 2, France (non publiée). Repéré à : https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-01494830/document

Inserm (2001). Expertise collective : Rythmes de l’enfant. De l’horloge biologique aux rythmes scolaires. Repéré à : http://www.ipubli.inserm.fr/bitstream/handle/10608/178/expcol_2001_rythmes%20.pdf?sequence=1

Leconte, C. (2014). Des rythmes de vie aux rythmes scolaires : Une histoire sans fin. Septentrion.

Prost, A. (2008). Un Munich pédagogique. Tribune dans Le Monde. Repéré à :

Rohrer, D., & Taylor, K. (2006). The effects of overlearning and distributed practice on the retention of mathematics knowledge. Applied Cognitive Psychology, 20, 1209–1224. Repéré à : https://files.eric.ed.gov/fulltext/ED505642.pdf.

Suchaut, B. (2009). L’organisation et l’utilisation du temps scolaire à l’école primaire : enjeux et effets sur les élèves. Conférence à l’initiative de la ville de Cran-Gevrier (Haute-Savoie). Repéré à : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00395539/document


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